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ACASA, MY HOME

Un film de Radu Ciorniciuc

Un documentaire moralisateur

Acasă est une grande zone qui jouxte Bucarest. La nature y a repris ses droits et une famille s’y est installé. Une famille qui va voir son idylle et son quotidien bouleversé quand cette zone est classée parc naturel urbain…

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Comme "Honeyland" avant lui et bien d'autres encore, "Acasă, my home" fait partie de cette nouvelle génération de documentaires fortement mis en scène, qui vont chercher du côté de la reconstruction et de la mise en scène de leur sujet, plutôt que de la captation immédiate. Ainsi, aidé par les nouvelles technologies numériques leur permettant de faire de très belles images, parfois spectaculaires, à un prix que leur permet leur budget serré, ces nouveaux documentaires fictionnels reposent plus sur une logique de dramatisation de la vie des personnes qu'ils dépeignent que sur la logique du témoignage. Peut-être une manière de se démarquer du reportage qui bénéficie des mêmes avancées technologiques, mais qui n'est pas forcément le choix le plus pertinent car la mise en scène et la reconstruction changent le statut du preneur d'image et peut rapidement le faire tomber, soit dans la moralisation, soit dans le jugement sur le sujet qu'il est en train de traiter.

Et c'est malheureusement ce qui se passe ici. En peignant l'histoire de cette famille, les Enache, et en construisant le film comme une pièce tragique, la forme-même du documentaire vient poser problème, car la mise en scène se fait sentir et le film reprend les passages obligés d'une narration de ce type. Dès lors, tout élément du réel qui ne colle pas à cette narration est évacué. Il n'y a pas de surprise, pas de nouveauté, pas de moment où le quotidien vient subvertir un scénario bien construit. Cette famille voit son idylle mise en échec par la modernité. Modernité qui, en tentant de bien faire, rompt un équilibre. Vient alors le temps de la montée de l'individualisme et le schisme intergénérationnel, au passage d'une ellipse de deux ans passés sous silence. Le fils prodigue, l’aîné, s'en va, laissant le benjamin à la merci d'un père toujours plus aigri. Une tragédie vue maintes et maintes fois.

Mais la réalité ne correspond hélas pas à la fiction, et "Acasa, my home" en révèle parfois un peu trop et montre ce qui nous a été caché par soucis d'efficacité émotionnelle de l'intrigue : Vali et Rica, les deux protagonistes de cette histoire, ne sont que deux garçons au milieu d'une fratrie de près de vingt enfants par exemple, et ils ne sont pas du tout l’aîné et le benjamin, comme veut le faire croire l'histoire. Ils ont été choisis pour passer à la caméra, pour porter cette histoire, ce destin que la caméra a modelé à sa convenance.

Du déjà vu donc, mais qui peut valoir le coup d'œil pour découvrir des paysages inédits et quelques scènes de natures très réussies, qui viennent cependant être mise en balance par la dernière séquence du film, qui amène le spectateur à se demander si tout n'était pas réellement construit et mis en scène : tout fonctionne trop bien pour que la caméra ait pu capter des échos et des scènes miroir de la sorte.

Thomas ChapelleEnvoyer un message au rédacteur

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